dimanche 26 août 2007

Noyau Dur



« Le mariage de l’étincelle et la poudre » : une formule extraite du premier album de Noyau Dur qui résume bien...
« Le mariage de l’étincelle et la poudre » : une formule extraite du premier album de Noyau Dur qui résume bien la pertinence de ce collectif de ghetto superstars qui balance enfin son premier album.
Pour mieux comprendre l’histoire de Noyau Dur, il faut remonter aux années 90. C’est dans cette décennie cruciale pour le rap français que démarrent deux groupes qui deviendront les piliers du genre : Nèg’Marrons avec Jacky et Ben-J, Arsenik avec les frères Calbo et Lino. Pit Baccardi, lui, est encore dans l’écurie Time Bomb, qui marquera une révolution linguistique avec un nouveau flow. Regroupés sous la bannière Secteur A, ces vétérans de la rime multiplient les featurings, les albums et singles à succès et les disques d’or.Pour bien comprendre l’impact de ces artistes, un chiffre : à eux 5, ils ont vendu plus d’un million de disques, tous formats confondus. Ca calme. Plus le temps passe, plus ces artistes émérites, qui ne cessent de se croiser en studio et sur les scènes, se voient comme une famille. Pas « la grande famille du rap » (le hip hop français, c’est pas Walt Disney) mais une bande d’amis qui ont les mêmes objectifs et les mêmes ambitions artistiques. Pit Baccardi se souvient de cette époque : « moi, Arsenik et les Nèg’Marrons, on se connaît depuis longtemps. Noyau Dur est donc un truc naturel. On a fait notre premier titre, « Le public respecte », en 2000 sur la compilation Secteur A All Stars. » Déjà à l’époque pointe l’idée d’un album en commun. Mais les emplois du temps chargés des rappeurs repoussent le projet.
C’est finalement en juin 2004 que démarre l’enregistrement de ce projet colossal. L’été est chaud pour Pit, Lino, Calbo, Jacky et Ben-J, qui entrent en studio et abattent le boulot comme un vrai groupe soudé. « On tenait à être tous ensemble pour que ça soit vraiment un album collectif », résume Pit. Provocateur et totalement maîtrisé, « La réunion » featuring Doc Gynéco, Hamed Daye, Passi et Stomy Bugsy, l’un des premiers titres enregistrés, témoigne de la vibe Noyau Dur avec des sons fâchés et une thématique rentre dedans. En mode guerre, le collectif bat le fer tant qu’il est chaud, signant des hymnes banlieusards comme ce « Départements » à la gloire des quartiers, tristement prémonitoire des émeutes de novembre 2005. Une « prémonition » dont ils se seraient bien passés, mais puisque c’est désormais le rap plus que la politique qui sait de quoi demain sera fait...
Skread (Booba, Rohff, Diam’s), Dj Komplex (Disiz la Peste, Diam’s) et quelques autres artificiers des consoles accompagnent la rage des lyrics avec des productions brutales et efficaces. A la fin de l’été 2005, l’affaire est pliée : l’album de Noyau Dur est dans la boîte, et ses auteurs sont sur la route pour une tournée de proximité afin de faire découvrir le groupe à son public prédestiné, les jeunes des quartiers de la France entière, dans les MJCs et les salles de quartier. Loin des médias parisiens obsédés par le sensationnel, Noyau Dur arpente l’hexagone : Marseille, Bordeaux, Lille mais aussi Metz, Béziers, Mulhouse. Show cases, forums de discussion, rencontres... Là où d’autres se contentent de mots, le Noyau ajoute des actes.
« On ne sera jamais pareils » fait réfléchir sur le thème de la différence. « Viens (tout est permis) » évoque la fête sur un beat innovant dancehall/hip-hop aux influences caribéennes et africaines « coupé-décalé », car malgré le caractère d’urgence de son message, Noyau Dur n’oublie pas que même les plus militants des guerriers ont besoin de décompresser et de s’amuser (« Enflammer la piste de danse/Y’a du bon son et de l’ambiance/Bouge et danse pour les sens/Viens ! Tout est permis... »). « Besoin d’ennemis » parle en termes imagés de la ségrégation (« Dans le PAF on parle de quotas/Mais pourquoi avoir inventé la télé couleur si on n’y voit que du blanc ? »). « L’histoire continue » (featuring Janik) évoque le long chemin parcouru (« On était plein au départ, toujours plein à l’arrivée/Mec tu en as rêvé/Donc Secteur A l’a fait (...) Quoi qu’on en dise, on a marqué la musique de France/De par notre talent, beaucoup de taf et un peu de chance »). Et ça n’est pas tout, loin de là : « Instinct de survie » (featuring Mystik) balance des rimes féroces (« Prêt à tout pour survivre, pas finir sur le carreau/Sur le terrain, les chiens ont les crocs ») et « Dead » termine l’album en apothéose incendiaire (« Gunshot ! C’est trop hardcore, ça pue la mort/C’est la guerre au microphone et c’est cool si tu t’en sors »). Avec 16 titres qui sont autant de bombes rapologiques, « Opérationnel même en temps de crise », Noyau Dur ne manque pas de munitions pour 2006, l’année de tous les dangers. Tout est mis en place pour que le Noyau dure. Décidément, l’histoire du rap français n’est pas prête de s’arrêter.

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